Le défilé des Vendanges a égayé notre Butte qui rayonnait sous un ciel estival.
Evidemment il s'est déroulé sous haute sécurité : voies d'accès bloquées, policiers en nombre parmi lesquels des "caméléons", des flics déguisés en badauds avec casquette et sac à dos, prêts à intervenir à la moindre alerte
Mais tout s'est bien passé, depuis le clos Montmartre jusqu'à la mairie, dans une ambiance de fête et de partage.
Ces quelques photos garderont quelque temps le souvenir de cette belle journée, de la diversité et de la convivialité des habitants de Montmartre.
Les associations culturelles (Croatie, Sri Lanka, japon, Ukraine, Portugal...) étaient cette année plus nombreuses que les joyeux pinardiers.
Nous avons vidé quelques gobelets de Brouilly, de Muscadet... nous avons applaudi les danseurs, les gymnastes et les musiciens....
Ce soir, il n'y aura pas de feu d'artifice, annulé depuis l'an passé pour les raisons que l'on sait.
Ce n'est pas grave, nous ferons la fête et danserons au bal "Dalida".
Les oiseaux et les chats du Square Louise Michel ne seront pas effrayés par les mises à feu des fusées...
De retour de mes trois mois d'exil dans mon île atlantique, j'ai retrouvé Montmartre qui m'a fait grise mine, comme un chat qui après l'absence de son maître, joue les indifférents.
Si le soleil s'était caché, des artistes des rues moins susceptibles avaient rendu à ma rue son véritable nom et décoré un vieux café désaffecté avec un ange et une vierge droit venus d'une toile du peintre florentin.
La plaque a été modifiée : le 18 ème s'est transformé en 16 s, non pas l'arrondissement mais le siècle de la Renaissance pendant lequel le peintre vécut les 31 dernières années de sa vie.
Le nom de la toile représentée est écrit en lettres arabesques ainsi que la date de son exécution : 1528.
Cette Annonciation aux couleurs vives et à la théâtralité assumée, j'ai eu la chance de la voir au Palais Pitti à Florence.
Si Andréa del Sarto avait été un homme honnête, elle serait peut-être aujourd'hui au musée du Louvre!
On connaît en effet l'histoire! Le peintre avait été invité à vivre en France, au service de François Ier comme un certain Léonard de Vinci. Pour retrouver sa femme restée à Florence, il obtint de son illustre employeur la permission de retourner quelque temps dans sa ville, avec une somme considérable destinée à acheter sur place des toiles des plus grands peintres dont le roi voulait décorer ses châteaux.
Le peintre ne revint jamais en France et avec l'argent qui lui avait été confié se fit construire l'opulente demeure que l'on peut voir aujourd'hui à Florence via dei Caponi!
Grâce aux artistes de rues, Andrea del Sarto revient à Paris!
C'est une belle idée....
photo site Toqué
Par chance elle est signée!
Leur auteur est double, ce sont deux frères dont le nom est une déclaration de poésie : Toqué frères!
On le sait il faut être un peu (beaucoup?) fous pour se lancer dans de telles aventures, généreuses et lumineuses!
Rue Rochechouart. Mai 2017.
Félix et Marin ont souvent peint sur les murs des villes grises de grands tableaux de mer et de navires.
Parfois ils dessinent en faisant danser les lettres des messages joyeux, des invitations à la vie...
En face de l'Annonciation, ils ont tracé quelques lettres sur une boutique abandonnée : Génial avec un cœur.... Ironie du message qui parle à la fois de la toile d'Andrea del Sarto, de sa reproduction en art de rues, du regard du passant qui participe à la rencontre!
Je suis rentré trop tard pour voir leur réalisation dans tout son éclat. Déjà elle a été vandalisée par des tagueurs sans talent. Certains détails se sont estompés comme la fleur de lys et le vase, symboles de la virginité et de la maternité. Mais les couleurs vives, le "mouvement immobile" sont restés. L'ange est bien présent, intense, vivant pour chaque passant qui le regarde.
Comme tout art éphémère, la fresque est condamnée à disparaître...
Je le regrette car elle n'est pas seulement une réponse à la question que se posent parfois les habitants du quartier sur le nom de leur rue, elle est aussi une invitation au voyage et à la rencontre.
Bon j'arrête!
Car moi qui suis un admirateur d'Andrea del Sarto, moi qui habite cette rue, me voilà maintenant toqué des frères Toqué!
Septembre! Un côté nostalgique, la fin d'une saison insouciante...
Septembre d'habitude si beau, à la fois chaud et doux, comme un amour idéal!
Septembre cette année tourmenté, frais, pluvieux, éteint.... dans sa première quinzaine...
Lumineux par la suite
J'y ai guetté les éclats de soleil, les derniers adeptes des vagues et des jeux, les inconditionnels de la nature....
1er septembre. Soldes à Saint-Pierre.
2 septembre. Plage de Grand-Village. Retour des chiens interdits pendant Juillet et août!
3 septembre. La balle verte.
3 septembre. Un petit chat retrouvé dans un carton posé devant la marée montante.
4 septembre. Les vagues sans la foule!
5 septembre. Sur la Grande Côte près de Royan.
5 septembre. Cinéma ABC à Royan.
6 septembre. L'éducation à la mer! Grand-Village.
7 septembre. Sur le dos du dragon. Grand-Village.
8 septembre. Plage de Grand-Village. Les trois sœurs?... et... les trois frères?
9 septembre. Plage de la Giraudière. Le bonheur des chiens! En juillet et août, la plage pourtant immense leur est interdite. Septembre est leur revanche!
9 septembre. Jeunes acrobates sur le port de La Cotinière.
10 septembre. Pour s'abriter du vent du Nord, la "serviette de plage intégrale"!
11 septembre. Le pêcheur remplace le baigneur!
12 septembre. Pêche aux tellines dans la tempête!
14 septembre. Dans un trou à l'abri du vent.
15 septembre. Seuls les sportifs se jettent à l'eau!
16 septembre. Découverte d'une nouvelle planète?.... deux astronautes dans les dunes de Grand-Village!
17 septembre. Port des Salines le matin.
18 septembre. Le chien assiste au cours de surf...
Après la leçon!
19 septembre. Figure mystérieuse?
Les moniteurs de surf apprennent à leurs élèves à "mouliner".
20 septembre. Retour des chars à voile à leur base. Plage de Grand-Village.
21 septembre. Dernier jour de l'été... qui ne veut pas mourir. Plage de Grand-Village.
22 septembre. Paddle à Saint-Trojan.
23 septembre. De Goa à Grand-Village...
24 septembre. Les chevaux de la mer. Les Allassins.
25 septembre. En rang dans l'eau!
26 septembre. Plage des Allassins... La course des vahinés
27 septembre... Le surf vert... Grand-Village
28 septembre. Seuls sur la plage...
29 septembre. La mer appartient désormais aux surfeurs qui glissent sur les nuages!
30 septembre. Au revoir ou adieu la saison....
Voilà! Les jours de l'été disparaissent au loin, happés par l'horizon de brume. L'automne est là avec la brutalité de ses chasseurs et ses brouillards qui dissimulent leurs forfaits.
Entre reconnaissance pour les jours de soleil et mélancolie devant l'impitoyable marche du temps...
Chargé d'illustrer un recueil de chansons militaires (quelques-unes grivoises) harmonisées par Charles Cuvillier, Poulbot s'en donne à coeur joie et dessine de braves types à la trogne réjouie. Ses dessins sont francs et drôles. Ils ne sont pas "érotiques" comme ceux d'autres illustrateurs des mêmes chansons.
18 dessins d'inégale valeur accompagnent le livre.
Charles Cuvillier (1877-1955) dont la gloire dépassait les frontières nationales est aujourd'hui bien oublié et son illustrateur l'éclipse aisément !
Une partie de son renom vient de ses coréligionnaires Fauré et Massenet avec lesquels il étudia la musique! Il composa de nombreuses opérettes qui furent jouées en Allemagne, en Angleterre et même à Broadway...
Il aimait se promener sur notre Butte où il venait en voisin du IXème arrondissement où il vécut de sa naissance à sa mort. Il rencontra à plusieurs reprises Poulbot avec lequel il sympathisa.
La Reine Joyeuse (Cuvillier). "Ah la troublante volupté!" un des plus grands tubes de Cuvillier!
Poulbot après avoir illustré la première de couverture et la page du titre, propose un dessin pour chaque chanson (15 chansons).
Certaines de ces chansons restent célèbres, d'autres ont perdu de leur mordant et sommeillent dans de vieux cartons ou de vieilles mémoires...
La première, les fils de Chateaudun, fait partie de ces dernières. Je n'ai rien trouvé sur elle et si j'en crois l'illustration de Poulbot, elle met en scène une femme éplorée qui montre à un gros sodat moustachu et bedonnant une progéniture qui est peut-être née pendant son absence...
Auprès de ma blonde
La deuxième est toujours chantée. Auprès de ma blonde est un classique dont Poulbot nous donne une représentation souriante et sous couette avec petits oiseaux à la fenêtre:
La chanson date du XVIIIème siècle, le texte est d'André Joubert du Collet. Elle s'appelait à l'origine "Le prisonnier de Hollande" (le pays pas le président!)>
"Auprès de ma blonde
Qu'il fait bon, fait bon, fait bon
Auprès de ma blonde
Qu'il faut bon dormir!
Passant par Paris
"Passant par Paris" est également une chanson du XVIIIème siècle mais qui devint populaire pendant la guerre de 1870. C'était à l'origine une chanson de marins que l'on chantait dans les ports. Quand pendant la Défense de Paris les marins se firent terriens et vinrent prêter main forte à l'artillerie, ils l'apportèrent avec eux... Les parisiens s'en emparèrent.
.
"Le bon vin m'endort, l'amour me réveille (bis)
J'ai eu de son coeur la fleur la plus belle
Dans un grand lit blanc gréé de dentelles
J'ai eu trois garçons, tous trois capitaines."
"Les godillots" est une chanson de route qui remonte au XVIIème siècle.
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"La-haut sur la colline
Il y a un moulin (bis)
Le meunier sur sa porte
Voit Rosette de loin (bis)
(il en existe de nombreuses variantes mais l'histoire reste la même. Rosette se retrouve avec le "sac plein" et au bout de neuf mois à peine, met au monde un p'tit meunier!.
Comme les autres font
"Comme les autres font" est une chanson gauloise aux origines incertaines.
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"Oh ma mère ma pauvre mère, je voudrais me marier
Je voudrais me marier comme les autres
Pouravoir fille et garçon comme les autres font.
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-Mais ma fille, ma pauvre fille
De l'argent en auras-tu?
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-Le soir derrière les buissons, comme les autres,
Je trousserai mes blancs jupons
Comme les autres font." (...)
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La Tradériquette
Avec mes sabots
Avec mes sabots
Voilà une très ancienne chanson qui remonterait au XVIème siècle et qui reprit du poil de la bête en 1870...
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"En passant par la Lorraine
Avec mes sabots (bis)
Rencontrai trois capitaines
Avecmes sabots...."
L'enfant du bataillon
L'Enfant du bataillon
Chanson du début du XIXème siècle qui montre la solidarité des soldats sur tous les fronts!
"La plus belle est Fleur de rose
Fleur de rose est un beau nom
Verse à boire
Les soldats l'ont emmenée
A Paris près de leur maison
Au bout de neuf mois à peine
Elle accoucha d'un garçon
Il ne ressemble à personne
C'est le fils du bataillon
Verse à boire "
Marlbrough
Marlbrough
Cette chanson-là est connue de tous les enfants. Elle date du XVIIIème siècle. Dans sa pièce, "le mariage de Figaro" Beaumarchais la fait chanter à Chérubin mais c'est Marie-Antoinette qui la mit à la mode en la chantant sur son clavecin. La tour du Hameau de la Reine porte d'ailleurs le nom de Marlbrough. ....
Il s'agit de se moquer d'un ennemi de la France dont la nouvelle de la mort est apportée à sa femme :
"Elle voit venir un page
Mironton mironton mirontaine
Elle voit venir un page
Tout de noir habillé
Aux nouvelles que j'apporte
Mironton mironton mirontaine
Aux nouvelles que j'apporte
Vos beaux yeux vont pleurer...."
Pauline
Pauline
Encore une histoire de femme légère, d'amant et de cocu! Dans le domaine de la chanson légère, la lourdeur et la misogynie sont souvent de mise!
Cendrinette
Cendrinette
Chanson pleine de sous entendus, tels qu'on les aimait dans les cabarets montmartrois. la bouteille et son contenu suggèrent ici le sexe du soldat entreprenant!
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" Veux-tu goûter Cendrine
Du vin de ma bouteille
Du vin de mon flacon..."
Le navire
Le Navire
Poulbot nous montre une belle dame qui perd sa coiffe et s'accroche au mât du navire.
Mais de quelle chanson s'agit-il? Quelle est son origine? Mystère! Je n'ai rien trouvé sur cette œuvre qui survit grâce à notre dessinateur...
Le cantonnier
Le Cantonnier
La chanson du cantonnier date du XVIIIème siècle et a inspiré Aristide Bruant qui en a donné sa version.
C'est cette version de Bruant qui s'est imposée :
"Sur la route de Louviers (bis)
Y avait un cantonnier (bis)
Et qui cassait (bis)
Des tas de cailloux
Pour mettre sur le passage des roues..."
C'est le texte de Bruant qui s'est imposé avec sa liberté poétique et sa teinture socialisante!
Un' bell' dam' vint à passer
Dans un beau carross' doré
Et qui lui dit : Pauv' cantonnier
Et qui lui dit : "Pauv' cantonnier
Tu fais un fichu métier!
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Le cantonnier lui répond :
Faut qu' j' nourrissons nos garçons
Car si j' roulions
Carross' comm' vous
Car si j'roulions carross' comm' vous
Je n'casserions pas d' cailloux!
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Cette répons' se fait r'marquer
Par sa grande simplicité
c'est c'qui prouv' que
Les malheureux
C'est c'qui prouv' que les malheureux
S'ils le sont c'est malgré eux.
La fille de Gennevilliers
La fille de Gennevilliers
C'est une triste histoire qui parle d'une fille si belle qu'elle rend amoureux fous les hommes qui se battent pour elle.
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"A Gennevilliers y a si tant belles filles
Mais y en a une si parfaite en beauté
Qu'elle a séduit tambours et grenadiers
Ah Ah
(...)
Sur le terrain provoqua son rival
Et dans le corps son épée a passé
Si bien passé qu'il en a trépassé
Ah Ah"
C'est à boire
C'est à boire
La dernière chanson du recueil raconte une orgie née du désir d'une serveuse d'auberge pour les beaux soldats venus boire...
.
"C'est à boire, à boire, à boire
C'est à boire qu'il nous faut Oh Oh
(...) Et quand ils furent en chemise, ils montèrent sur des tonneaux
Nom de nom dit la patronne, qu'ils sont noirs mais qu'ils sont beaux
Sacrebleu fit la servante tous les six il me les faut!"
Le recueil devenu rare est recherché par les admirateurs de Poulbot et il faut débourser plusieurs centaines d'euros pour en acheter un exemplaire!
..Lieu hors du temps, château magique sur la mer, le fort Louvois évoque, plus que sa vocation militaire, un château de contes de fées.... Un décor pour Cocteau et les rêveurs....
La citadelle du Château
Son origine n'a rien d'idyllique puisqu'il était chargé de protéger Brouage et Rochefort en interdisant le passage entre Oléron et le continent aux navires anglais qui se retrouvaient à portée des tirs croisés entre la citadelle du Château et le fort.
En 1690 Louvois ministre de la guerre du Roi Soleil confie à l'intendant Begon (passionné de botanique dont le nom sera donné par hommage au bégonia) l'édification d'un fort au Chapus.
C'est l'ingénieur François Ferry qui conçoit le plan d'un bâtiment de grande dimension, de forme ovale, préfiguration géante de Fort Boyard. Son coût est si élevé que le successeur de Louvois demande à Vauban de modifier ce plan. C'est ainsi que le Fort se réduit de moitié pour ressembler à un fer à cheval lancé dans l'océan!
Il est construit en trois ans (1691 1694) et parachève l'impressionnante défense des côtes et de l'accès au port de Rochefort.
On peut s'y rendre à pied sec (enfin presque tant la chaussée est glissante) à marée basse ou profiter d'une navette depuis le port du Chapus à marée haute.
Le port du Chapus
La traversés n'est pas vraiment une expédition puisqu'elle ne dure que quelques minutes!
C'est une navette gratuite qui vous dépose sur la rampe d'accès du Fort.
On est tout de suite impressionné par le donjon, polygonal du côté de l'entrée, percé de meurtrières et surmonté d'un campanile qui sert d'amer aux navigateurs.
Un blason orne la façade, symbole du pouvoir royal.
On accède au donjon par un pont levis.
Au-dessus d'un soubassement de quatre mètres de haut, le rez-de-chaussée abrite un magasin à munitions et une poudrière.
Les deux étages sont voutés en coupole. Le premier servait d'appartements aux officiers...
Le deuxième plus haut de plafond était réservé au commandant.
Au sommet, sur la terrasse, était installée la batterie haute qui permettait d'envoyer des boulets de canon sur les mâts des navires ennemis. Aucun navire anglais ne pouvait passer par le coureau...
Le fort bombardé en septembre 1944 par les Allemands. On voit que la tourelle a été détruite....
La tourelle octogonale qui domine le donjon a été reconstituée après les dommages causés au bâtiment par les bombardements de la 2ème guerre.
Le donjon est toujours debout contre vents et marées, il donne sa fière allure à ce château sur les flots....
A l'entrée du fort, le bâtiment restauré était occupé par le Corps de Garde... Il l'est aujourd'hui par de charmantes damoiselles qui tiennent la caisse et renseignent les touristes.
Entre le donjon et la caserne s'ouvre la Place d'Armes sur laquelle se rassemblaient les quelques occupants du fort!
Sur cet espace, des latrines qui ressemblent à celles des châteaux du Moyen Âge laissaient tomber dans la mer le trop plein des vessies et des estomacs des soldats...
La poudrière jouxte ces toilettes rustiques. C'est un beau bâtiment qui a résisté aux outrages du temps et des Allemands.
Le sol a gardé son plancher d'origine, tel qu'on en trouvait dans toutes les poudrières et qui, étant humide, permettait d'éviter les risques d'explosion provoquée par d'éventuelles étincelles
Le toit est formé de dalles de pierres...
La caserne compte deux étages
Au rez de chaussée, un magasin aux affûts, avec une citerne d'eau douce s'ouvre au centre, entre deux cantines.
A l'étage, on trouves les chambres des soldats et au centre, un arsenal où sont stockées les munitions.
Ces chambres donnent au nord sur la batterie d'artillerie en forme de fer à cheval qui comptait à l'origine 16 embrasures à canons.
Une association gère le Fort depuis 2015 et propose l'été des animations qui permettent, pendant les journées du patrimoine de faire la connaissance de Vauban en personne qui, aimablement vous entraîne à la visite de son œuvre.
Ce même Vauban a un double qui mène son troupeau de touristes dans la citadelle du Château d'Oléron, de l'autre côté du Coureau.
Les revenants ont tous les pouvoirs!
Un grand salut à ce Fort qui réjouit le cœur de ceux qui arrivent sur le pont d'Oléron au début de leurs vacances et qui lorsqu'ils repartent, l'âme grise, les console en leur confiant qu'il sera toujours là l'année prochaine, fidèle au poste, prêt à leur souhaiter la bienvenue!
Pendant juillet et août, le refuge a continué de vivre, indifférent au tumulte touristique.
Quelques chats sont morts, comme la petite Mandoline si tendre et si câline.
D'autres ont été recueillis après avoir été abandonnés ou maltraités.
Chiffon, la plus adorable. Elle a hélas une leucémie.
Beethoven, un des plus anciens. toujours perché comme un chef d'orchestre!
En marchant sur la plage, sur la route des huîtres, un couple de campeurs a été attiré par des piaillements d'oiseaux. Il faisait presque nuit, la plage était déserte.
Ils se sont étonnés. Les oiseaux ne font pas leur nid sur le sable que recouvrent les marées.
Ils ont remarqué un carton fermé posé sur l'estran. Les vagues déjà l'avaient mouillé et bientôt l'emporteraient
Schweppes un des chatons sauvés de la noyade.
Ils ont compris que les cris de détresse qu'ils avaient pris pour des piaillement d'oiseaux venaient de ce carton. Ils l'ont ramassé au moment où déjà il était à moitié noyé. Ils l'ont ouvert et ont vu deux chatons qui aussitôt se sont accrochés à eux.
Lula, deuxième chaton trouvé dans un carton.
Le lendemain ils ont apporté ces deux rescapés au refuge.
Cosette les a nourris au biberon car ils n'étaient pas sevrés.
Ils ont été baptisés Lula et Schweppes...
Il y a deux jours, ils ont été adoptés. Ils vont être aimés, ils vont aimer... ils vont vivre leur petite vie de chat et partager avec leurs "maîtres" le même mystère de l'existence.
Schweppes....
Il y a des gens qui considèrent que les chats sont des objets qu'on peut abandonner dans un carton à la marée montante.
Il y en a d'autres qui considèrent que la vie de ces chats a du prix, comme toute vie de passage sur terre, et qui donnent de leur temps, de leur énergie, de leur argent pour la préserver...
Je voudrais dire que je les aime, ces gens qui, sans bruit, sans éclat, sans demander de reconnaissance, rendent le monde un peu moins injuste, un peu moins cruel...
J'ai revu Saphir, un chat magnifique aux yeux bleus qui vivait il y a quelques mois dans le grand enclos et qui a dû être mis à l'écart avec les chats atteints de calicivirose. Il a l'air triste et ne peut comprendre pourquoi il est ainsi séparé des autres. J'ai l'impression qu'il se ternit et s'éteint peu à peu. Je souhaite qu'il ne souffre pas. Je sais qu'il est soigné et aimé depuis des années.
Il avait été trouvé, voilà quelques années, mourant et atteint d'une maladie de peau qui l'écorchait. Grâce à des massages d'argile il avait été libéré de cette souffrance.
Voilà que le sale virus de la calicivirose l'a atteint...
Saphir aux yeux de ciel
Mais revenons aux belles histoires... comme celle de Lily, une chatte abandonnée sur le port du Château...
Les artisans des cabanes l'ont nourrie jusqu'au jour où Cosette a eu l'idée de lui installer une petite cabane à elle avec un bout de jardin : "Le jardin de Lily".
Elle fait maintenant partie des célébrités du quartier des artisans et elle est photographiée par les touristes.
La commune du Château est exemplaire et elle est la seule dans toute l'île à s'impliquer dans la défense des chats.
Elle devrait servir d'exemple aux autres communes qui éviteraient ainsi les problèmes posés par les chats errants....
Dumbo dont nous avons fait connaissance en juillet, se remet peu à peu des blessures qu'il a reçues alors qu'il tentait de survivre non loin de la maison de ceux qui l'avaient abandonné.
Il a été opéré et il n'est plus gêné par une plaie ouverte près de l'œil.
.... Chacun des chats du Bastion a reçu un nom.
Chacun existe, s'adapte à la vie du refuge et attend les caresses....
Les milliers de touristes qui prennent possession de la ville en été ne peuvent manquer de les voir!
Ils tombent dans une chute suspendue au-dessus de leur tête devant la porte de la Grosse Horloge, devant l'Hôtel de Ville et devant le Temple.
Ce sont les afficheurs.....
Temple.
Anges étranges,
Clochards célestes couleur des feuilles d'automne et des écorces que le lichen parfois recouvre....
Temple. Un afficheur avec le balai pour la colle.
Le vent les fait bouger de ça, de là .... comme dit si bien Verlaine...
Mais alors que leur chute soulève leurs vêtements et rend leurs visages inquiets, elle est interrompue à quelques mètres du sol...
Ils sont saisis dans un moment qui s'éternise, dans un arrêt sur image....
Temple.
Temple.
Les curieux s'interrogent sur leur présence dans les rues aux façades blondes ...
Temple.
Quelques affiches se décollent sur les murs...
Elles nous rappellent ou nous apprennent que nous fêtons un anniversaire, un évènement qui a eu lieu il y a cinq cents ans...
En1517!
Nous sommes à Wittemberg, Martin Luther est révolté par les Indulgences dont le Pape (qui a besoin de sommes considérables pour édifier la basilique Saint-Pierre) fait commerce.
Le pontife soutire un maximum d'argent aux fidèles crédules, en leur promettant la remise de leurs péchés et de ceux de leurs défunts contre des pièces sonnantes et trébuchantes...
La veille de la Toussaint (date discutée par les historiens) Luther fait apposer sur les murs de l'église un texte composé de 95 propositions, ou thèses, pour contester théologiquement la pratique des indulgences...
Si le Purgatoire y est remis en cause, la richesse du Pape et celle de l'Eglise le sont aussi :
"Pourquoi le pape n'édifie-t-il pas la basilique Saint-Pierre avec ses propres deniers plutôt qu'avec l'argent des pauvres fidèles, puisque ses richesses sont aujourd'hui plus grandes que celles des plus gros richards?"
Cet affichage des 95 thèses de Luther est considéré comme l'acte de naissance de la Réforme qui verra les Chrétiens se séparer et s'opposer avec une violence et une intransigeance peu compatibles avec l'enseignement du même Jésus qu'ils vénèrent!
Pour commémorer cette année décisive, la ville, sur la demande conjointe des protestants et des catholiques a été "labellisée" Cité européenne de la Réforme.
Ce n'est que justice et reconnaissance de son histoire, du choix qu'avaient fait les habitants de se convertir à la nouvelle religion et de la tragédie que fut pour eux le siège de 1627.
Sur 25 000 habitants, seuls 5000 survécurent.
Le siège de La Rochelle. Richelieu. Henri Motte 1881.
Ce ne fut pas à proprement parler une guerre religieuse mais bien plutôt une guerre politique. La Rochelle était la dernière forteresse huguenote de France et recevait l'aide des Anglais, les ennemis héréditaires, toujours prompts à affaiblir leurs rivaux.
Devant l'Hôtel de Ville.
En 2017, les frères ennemis sont réconciliés depuis longtemps....
Les afficheurs n'ont donc rien à craindre. Personne ne viendra les canarder!
... Pourtant ils ne sont pas rassurés, ils ne savent pas comment ils vont prendre contact avec la réalité...
Ils volent dans l'air comme des poissons dans l'eau!
Ils prennent le soleil et la pluie avec la même placidité.
Ils sont chez eux au-dessus des toits, à proximité des voiliers qui se bercent dans le port...Et ils ne cessent de tomber...
Rémi Polack
L'artiste qui leur a donné vie est un Rochelais qui a déjà créé pour la ville "l'Homme Poisson" sur la promenade du Port Neuf, une sculpture de bronze modelée par le vent du large et prête à partir à l'aventure avec le prochain voilier...
Hôtel de Ville
Rémi Polack a maintes fois participé à des créations éphémères et fait voler dans le ciel ses acrobates sortis de contes fantastiques.
Hôtel de ville
Hôtel de Ville
Ses afficheurs sont eux-mêmes porteurs des idées de Luther imprimées sur leurs vêtements, feuilles blanches et lignes noires.
Hôtel de Ville
Hôtel de Ville
Les uns portent les affiches sur le dos, d'autres le balai pour le collage...
D'autres encore tiennent la Bible sous le bras...
La Grosse Horloge
Ceux qui descendent des nues près la Grosse Horloge ne cachent pas leur appréhension de l'atterrissage...
Tous ces messagers sont annonceurs de la liberté, celle de la conscience qui refuse les totalitarismes et les dogmes.
Après les thèses de Luther qui invitaient à la réflexion et à l'intelligence du cœur et de l'esprit, il y eut une interminable suite de combats, de massacres, de destruction bien partagés entre les deux camps.
L' invitation à la réflexion et à la liberté s'est transformée en désolation et en intolérance...Chacun étant sûr de détenir la vérité!
Nos afficheurs de La Rochelle sont plus que jamais actuels alors que renaissent les guerres de religion...
Anges tombés des nuages...
clowns virevoltants...
ils nous invitent à prendre nos affiches et nos balais brosses et à en recouvrir les murs qui séparent les hommes.
Nous avions quitté la première partie de la rue avec Baudelaire et Jeanne Duval et nous la retrouvons avec un autre poète, Germain Nouveau qui habita au 49 en 1879...
Germain Nouveau (1851-1920) est un de ces météores de la poésie française dont l'œuvre reste à redécouvrir. Il rencontra Rimbaud à Paris et partit avec lui pour vivre à Londres en 1874. Il aurait selon certains critiques participé à l'écriture des Illuminations.
Ce qui est certain, c'est que cet "illuminé" fut admiré par les surréalistes. Aragon dit qu'il est un poète majeur, l'égal de Rimbaud.
Je me rappelle avoir été impressionné par un de ses poèmes dans lequel il parle de son enterrement. En voici juste trois strophes :
Je ne veux pas que l'on m'enferre
Ni qu'on m'emmarbre, non, je veux
Tout simplement que l'on m'enterre,
En faisant un trou... dans ma Mère,
C'est le plus ardent de mes vœux.
(...)
Et retournez-la sur le ventre,
Car, il ne faut oublier rien
Pour qu'en son regard le mien entre.
Nous serons deux tigres dans l'antre,
Mais deux tigres qui s'aiment bien.
.
Ah! Comme je vais bien m'étendre
Avec ma mère sur le nez,
Comme je vais pouvoir lui rendre
Les baisers qu'en mon âge tendre
Elle ne m'a jamais donnés.
Le 51
Nous avons déjà parlé de la brasserie qui se situait à l'angle de la rue Fontaine lorsque nous avons parcouru cette rue. Elle donne également rue Jean-Baptiste Pigalle, au 51. Elle était en 1861 le lieu où se rencontraient des artistes, autour de Courbet.
Un marchand de vins l'a remplacée. Un faune disciple de Bacchus tire la langue et dresse les oreilles sur la façade, se réjouissant d'avoir de bonnes bouteilles à sa disposition!
Le 52
Le 52. Un restaurant chinois, donne sur une placette où son aspect tristounet nous ferait oublier qu'il fut pendant des années un cabaret de renom : le Grand Duc.
C'est là qu'Ada Brickstop commença à danser et popularisa le charleston avant d'ouvrir sa propre boîte dans la même rue, "chez Brickstop".
Elle était également chanteuse et sa voix émouvait des écrivains comme Aragon ou Leiris.
Le 53
Nous restons sur la planète Jazz avec le 53 où un modeste cabaret "Music box" fut dans les années 30 un des temples du jazz hot.
Le 54
Au 54, encore une boîte de jazz qui nous rappelle que cette musique avait dans les années 30 Paris pour capitale et Pigalle pour épicentre.
Le cabaret s'appelait "l'Heure bleue" et Bill Coleman notamment y joua...
Le 54
Le cabaret aurait dû s'appeler l'heure brune pendant l'occupation car il fut un lieu de prédilection des collabos de tout poil.
Après la guerre, dans les années 50, il passa au rose quand Monique Carton, alias Moune, le transforma en cabaret féminin, haut lieu du lesbianisme parisien "Chez Moune".
Il s'est banalisé aujourd'hui pour n'être qu'une quelconque boîte de nuit sans originalité.
Rue J.B. Pigalle à l'endroit où la rue La Rochefoucauld la rejoint.
La rue Jean-Baptiste Pigalle s'élargit sur quelques mètres en delta quand elle reçoit, en formant une placette, la rue La Rochefoucauld....
Le 55
Le 55 peut nous émouvoir car c'est à cette adresse que vécut quelques années Juliette Drouet, la grande amoureuse, fidèle contre vents et marées à Victor Hugo à qui elle écrivit plus de 20 000 lettres.
Hôtel Rousseau, face au 55 rue Pigalle.
Quand en 1871, après la mort de son fils Charles, Hugo loua au 66 rue La Rochefoucauld un appartement au 1er étage de l'hôtel Rousseau, elle s'installa en face, dans ce petit immeuble où il vint vivre avec elle un peu plus tard.
Calamity building!
Le 58 est un des endroits les plus déprimants de la rue. Un immeuble sans grâce, indigent, a écrasé quelques uns des lieux mythiques du Pigalle des années folles.
A l'angle avec la rue Victor Massé. Tabarin et la Boîte à Fursy
Il y avait là un music hall, "la Boîte à Fursy" animée par le chansonnier Henri Fursy (Dreyfus) qui avait repris "le Tréteau de Tabarin" après avoir tenté de redonner vie au Chat Noir de la rue Victor Massé.
Ce fut un des cabarets les plus animés et les plus créatifs de Montmartre.
Sur les vieilles cartes postales, on peut voir le restaurant Lajunie qui faisait l'angle avec le rue Victor Massé et qui prit de l'importance quand ouvrit le Bal Tabarin.
Le restaurant fameux qui a été remplacé par la monstruosité d'immeuble que nous savons, était un lieu très fréquenté par les demi-mondaines qui y entraînaient leurs conquêtes du Bal Tabarin.
Toute cette histoire mouvementée et pittoresque de Montmartre n'est plus que souvenirs qui flottent dans l'air... et qui tentent de donner un peu de vie aux tristes constructions qui ont, pour des raison financières, saccagé notre Paris. Comme chante Léo Ferré "le capital qui joue aux dés notre royaume"....
Tabarin
Aujourd'hui!
Bon! On n'arrête pas le progrès! On ne s'arrête pas non plus devant ce bloc qui n'est pas le seul à avoir écrasé des lieux historiques (que dire du consternant blockhaus qui a remplacé le cirque Medrano sur le boulevard Rochechouart?)...
Le 60
Le 60 a échappé à la destruction et, bien que mutilé, survit vaille que vaille. On y retrouve en 1854 Baudelaire que nous avons déjà rencontré plus bas et qui allait alors de logement modeste en logement modeste :
En rouvrant mes yeux pleins de flamme,
J'ai vu l'horreur de mon taudis,
Et senti, rentrant dans mon âme,
La pointe des soucis maudits (...)
Le 62
Le 62 d'une laideur exemplaire a pris la place d'un petit immeuble qui abrita l'atelier du photographe Etienne Carjat (entre 1866 et 1869).
Ami de Baudelaire, cet artiste, photographe, journaliste, caricaturiste et poète est surtout connu aujourd'hui pour ses photos célèbres de Rimbaud.
Il avait fait du jeune poète toute une série d'épreuves qui ont malheureusement été détruites par lui-même après une altercation au cours d'un repas où il fut blessé par Rimbaud qui lui fit une estafilade avec une canne-épée.
Il était également ami de Verlaine et de quelques artistes du groupe des "Vilains bonshommes".
Ajoutons qu'il fut ardent partisan de la Commune et qu'il publia pendant ces jours héroïques et tragiques des poèmes politiques dans le journal "La Commune".
Un de ses recueils "Artistes et Citoyens" a été préfacé par Victor Hugo.
Bien plus tard, quelques années avant la 2ème guerre, un club de jazz s'installe au 62. Il s'agit d'une boîte de la rue de Douai qui déménage, avec son nom : "La Roulotte".
Django Reinhardt s'y produit et, en 1943 rachète le club et le baptise "Chez Django Reinhardt".
Le Sans Souci
Côté impair, une brasserie avec une passante qui aurait pu être Romy Schneider!
L'actrice dont "La passante du Sans-Souci" fut le dernier film avait insisté pour qu'il soit réalisé après avoir été bouleversée par le roman de Kessel. Or Kessel avait situé l'action au Sans-Souci de la rue Pigalle et non dans le XVème arrondissement choisi par le réalisateur (Jacques Rouffio).
Le 65 un jour de déménagement.
Le 67
Dans la cour du 67
Le 67 est un immeuble banal, plutôt moche. Il occupe l'emplacement de la poste aux chevaux qui très active sous la Restauration ne sera détrônée que par la Compagnie des Omnibus. On peut apercevoir dans l'entrée de l'immeuble une tête sculptée et dans la cour un ancien abreuvoir épargné par les démolisseurs.
Le 73
Plus on approche de la place Pigalle et plus sont nombreux les anciens cabarets qui rayonnaient dans le voisinage du célèbre jet d'eau.
Au 73, il y eut à la fin du XIXème siècle un établissement ouvert par le tonitruant et fantasque Maxime Lisbonne qui laissa son empreinte sur le Montmartre des chansonniers et des créateurs de cabarets iconoclastes. il s'agit du Casino des Concierges, appelé aussi Cabaret Bruyant.
Lisbonne est une des grandes figures de Montmartre. On a écrit sur lui quelques livres parmi lesquels le plus complet et le plus "amoureux" est "Le banquet des Affamés" de Didier Deaninckx. Mention également au d' "Artagnan de la Commune" de Marcel Cerf.
Il fut un des plus courageux combattants de la Commune qui le nomma Colonel. Louise Michel parle de lui souvent et rapporte ses paroles sous la mitraille :" Puisqu'il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n'a droit qu'à un peu de plomb, j'en réclame ma part!"
Deux fois condamné à mort après la Commune, il vit sa peine commuée en travaux publics à perpétuité.
Après la grâce accordée aux Communards, il revint à Montmartre et habita dans une rue qui m'est chère : la rue André Del Sarte, alors rue Saint André.
Il se lança dans une vie à la fois joyeuse et généreuse. Il créa de nombreux cabarets parmi lesquels : laTaverne du Bagne, 2 boulevard de Clichy (où bien avant Coluche il organisa des repas pour les pauvres du XVIIIème) Les Frites Révolutionnaires, 54 du même boulevard...
Dans son Casino des Concierges, il organisa un grand bal pour les chiffonniers du quartier. Mais le fait "historique" fut la création de la première revue de cabaret "les emmurés de Montmartre" qui allait faire des petits dans de nombreux établissements montmartrois.
Citons pour mémoire que c'est au Divan Japonais, devenu Divan Lisbonne que fut offert aux spectateurs le premier effeuillage sur scène! Le premier nu de ce quartier qui allait en voir bien d'autres!
Le 75. Mais... encore un déménagement de matelas!
Au 75, nous trouvons encore un cabaret : "Le Hanneton". Il était dirigé par Madame Armande et accueillait les amours lesbiennes. Lautrec y était admis et en fit plusieurs tableaux (1897-1898) notamment le portrait de Madame Armande.
Nous arrivons maintenant sur la place Pigalle qui n'a pas droit au prénom Jean-Baptiste. C'est malgré son apparente banalité actuelle un haut lieu de l'histoire de Montmartre, politique et artistique....
Un lieu où laisser libre cours à notre imagination, où retrouver les personnages de quelques uns des plus beaux tableaux peints ici par Degas, Lautrec, Manet et quelques autres....
On respire sans réticence le poison qui flotte dans l'air... l'odeur de l'absinthe.... celle des barricades.... On entend les chansons canailles, les refrains anarchistes...
On s'attend à voir les arbres du boulevard se transformer en cerisiers!
La place Pigalle est le cœur du Montmartre des cabarets.... et la rue qui va de la rue Blanche jusqu'au petit jet d'eau célébré par la chanson de Georges Ulmer en fait partie...
Mais dans l'histoire mouvementée de Montmartre, place et rue sont avant tout l'épicentre de la création et de l'émulation artistique....
Nous avons consacré trois articles à la place, aussi est-ce à la rue que nous voulons aujourd'hui rendre justice...
Rue Pigalle à partir de la rue Blanche.
Le 1.
Remontons donc le temps et la rue qui commence à quelques pas de l'église de la Trinité, rue Blanche.
Au n°1, dans un hôtel particulier aujourd'hui disparu, le sculpteur dont elle porte le nom : Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785) a vécu... La rue s'appelait alors rue Royale...
Elle suivait le tracé du vieux chemin qui montait vers la Butte. Ce ne fut pas son dernier avatar puisqu'en 1795 elle devint rue de la République, en 1800 rue de l'An Huit, en 1803 rue Pigalle et enfin en 1993 rue Jean-Baptiste Pigalle!
Pour revenir à notre sculpteur, rappelons que c'est grâce à la protection de Mme de Pompadour qu'il connut le succès et reçut de nombreuses commandes d'aristocrates dont il immortalisa dans le marbre le visage.
Mais parmi ses œuvres, son "Mercure attachant sa talonnière" fut sans doute la plus appréciée.
Aujourd'hui, le sculpteur est en bonne place dans les encyclopédies et les dictionnaires pour avoir représenté Voltaire, à la fois fragile et volontaire, nu et spirituel...
Il mourut quatre ans avant la Révolution et fut inhumé dans le minuscule cimetière du Calvaire qui jouxte la vieille église de Montmartre. Vous pouvez lui rendre visite, une fois par an, le jour de la Toussaint, quand le cimetière est ouvert à tous.
Encore un peu d'imagination pour se représenter au n°2 un des moulins qui appartenaient aux religieuses de l'abbaye de Montmartre : le Moulin de la Tour des Dames.
Il s'élevait sur un terrain qui se situerait aujourd'hui entre la rue Jean-Baptiste Pigalle et la rue qui fait référence à ce moulin, la rue de la Tour des Dames.
Les 1, 3, 5.
Au 3 vécurent des peintres qui furent célèbres en leur temps : Thomas Couture et William Hunt.
Les romains de la Décadence. thomas Couture.
Thomas Couture (1815-1879) a formé dans son atelier pendant plus de six ans Edouard Manet et s'il est connu grâce à cet élève de génie, c'est aussi une de ses œuvres qui lui assura en 1847 la notoriété. Il s'agit des fameux "Romains de la Décadence" qui nous paraissent aujourd'hui très peu romains et très peu décadents!
Il quitta Paris en 1860 pour vivre dans sa ville natale : Senlis.
L'immeuble du 3 rue Jean-Baptiste Pigalle où il vécut a été remplacé par celui que nous voyons aujourd'hui.
Paysage. William Hunt.
William Hunt (1824-1879) est un peintre américain qui séjourna quelques années à Paris et étudia chez Couture. C'est Millet cependant qui l'influença comme l'école de Barbizon dont on retrouve des correspondances dans ses toiles.
Le 7
Au 7, c'est encore un peintre que nous rencontrons. Il s'agit d'Eugène Berthelon (1829-1916) spécialisé dans les paysages de campagne et dans les marines. Il appréciait ce bas Montmartre puisqu'après avoir vécu 7 ans rue Pigalle, il eut pour adresses successives le boulevard de Clichy, la rue Alfred Stevens et le boulevard de Rochechouart.
Les 8-10-12
Les 8-10-12 sont une horreur architecturale absolue. Une de ces verrues modernes innommables qui ont enlaidi Paris sans complexe! Au nom de la rentabilité et de l'argent, il fallait créer des parkings pour "adapter Paris à la voiture", comme disait le fin lettré Pompidou. Des immeubles qui portaient une partie de l'histoire artistique de la capitale ont donc disparu sans vergogne.
Citons, pour mémoire, au 8, la boutique du marchand de couleurs Mullard où Renoir venait se fournir en voisin.
Théâtre Pigalle
Ironie du sort, le parking qui permet aux spectateurs des théâtres voisins de trouver une place de stationnement a remplacé un théâtre! Le théâtre Pigalle.
Ce chef d'œuvre de l'Art Déco avait été Inauguré en 1929, il était par son architecture et sa machinerie un des plus audacieux d'Europe. Il fut, à ses débuts, dirigé par Antoine, puis par Jouvet. Faute de bonne gestion, il fut vendu en 1948 et remplacé par le garage-parking calamiteux que l'on sait.
Pour mémoire, c'est dans un hôtel particulier qu'il s'était fait construire en 1857, à l'emplacement du théâtre devenu parking que vécut et mourut l'écrivain de théâtre le plus célèbre et le plus joué en son temps, en France comme en Europe : Eugène Scribe (1791-1861).
On peut dire qu'il est l'écrivain le plus célébré pendant la Restauration. Il a écrit des centaines de pièces, vaudevilles, livrets.... Il avait l'art à partir d'un incident souvent anodin de dérouler une série d'enchaînement implacables. Il reste un maître de la mécanique théâtrale et il est surprenant qu'aucun metteur en scène actuel ne s'intéresse à lui!
C'est grâce aux livrets qu'il écrivit pour Rossini, Meyerbeer, Auber, Donizetti, Verdi qu'il n'est pas tombé complétement dans l'oubli comme son hôtel du 12 rue Pigalle...
Rue Jean-Baptiste Pigalle, vers la Butte Montmartre.
Le 17.
Le 17 nous ramène une nouvelle fois à Jean-Baptiste Pigalle qui y avait son atelier. Il n'avait donc qu'une trentaine de mètres à franchir pour aller de chez lui à son lieu de travail...
Le nom de Lemoine apparaît sur la façade de l'immeuble qui ne garde aucun souvenir du passage de Pigalle. Les Editions Lemoine sont une des plus vieilles entreprises françaises. Elles ont été créées en 1772 et se spécialisaient dans les œuvres musicales. L'immeuble actuel date de 1867. Achille Lemoine a en effet racheté l'ancien hôtel à la place duquel il a fait édifier les bâtiments actuels sur les plans de l'architecte de l'Hôtel-Dieu : Arthur Stanislas Diet.
Il est permis de préférer cet immeuble élégant et composite à la caserne de l'Hôtel-Dieu!
Le 18, inscrit comme le 17 au patrimoine architectural de l'arrondissement est un hôtel construit pour le duc d'Aumale dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Il a été fortement remanié extérieurement. Son intérêt réside dans les pièces d'apparat qui ont gardé plafonds à caissons, panneaux et lambris mais qui ne se visitent pas!
Le 20
Le hall du 20
Une plaque commémorative nous apprend qu'au 20 (qui était alors le 16 de la rue Pigalle)dans des pavillons remplacés par des immeubles modernes dans le jardin sacrifié à l'arrière, George Sand et Chopin ont vécu pendant près de quatre ans...
C'est au retour du fameux voyage à Majorque que le couple occupa les deux pavillons d'été au fond du jardin. Sand partageait le sien avec sa fille Solange et l'autre était occupé par Chopin qui y donnait des leçons de piano et par Maurice, le fils de Sand.
Tout ce que Paris comptait comme artistes romantiques fut reçu par Georges Sand rue Pigalle.
Balzac décrit ainsi son logis : Elle demeure rue Pigalle, au fond d'un jardin, au-dessus des remises et des écuries d'une maison qui est sur rue. Son petit salon est couleur café au lait et le salon où elle reçoit plein de vases chinois superbes...
Le 21
Au 21 s'élevait un immeuble où vécut Edgar Degas de 1882 à 1890. Degas était un familier de ce quartier dans lequel il eut plusieurs adresses et plusieurs ateliers. Une fois encore le lieu a été effacé, remplacé par d'autres immeubles.
Rien de spécial à signaler pour les 25 et 27 sinon qu'ils forment un des plus beaux ensembles de la rue.
L'architecte peut être fier de sa création! Il s'agit d'Albert Tournaire (1862-1958) qui fut architecte en chef de la Ville de Paris et à qui on doit bon nombre d'immeubles remarquables comme l'Hôpital Pasteur de Nice, la villa Arnaga d'Edmond Rostand à Cambo..ou la villa Ephrussi à Saint-Jean-Cap-Ferrat...
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Le 28! Il faudrait des encyclopédies pour en parler! Ce petit immeuble sans prétention a vu peindre dans un atelier quelques chefs d'œuvres. Imaginez! Pierre Bonnard y travailla tout en partageant l'espace avec Vuillard. Le même atelier quand il fut laissé libre par ces peintres reçut Lugné-Poé et Maurice Denis!
Une plaque rappelle que c'est dans cette maison que Bonnard, Vuillard et quelques jeunes peintres ont créé le groupe des Nabis, ou "prophètes" après une polémique née de discussions enflammées autour de la toile de Sérusier "Le Talisman".
Le 34
Le 34 abrita, dans un immeuble disparu une loge maçonnique en 1787 : La Loge des Amis Réunis.
Dans l'immeuble qui fut construit à son emplacement, vécut un compositeur dont, je l'avoue humblement, j'ignorais le nom, ne connaissant qu'un seul Godard, demi dieu du cinéma!
Il s'agit de Benjamin Godard.
Il a composé deux opéras, des sonates, des symphonies et il est paraît-il connu pour son "Jocelyn" composé d'après Lamartine. J'ai écouté la "célèbre berceuse" extraite de cette œuvre; elle est effectivement très touchante.
Le 45
Le 45 ne paie pas de mine... Pourtant il n'est plus l'hôtel de passes qu'il fut après guerre. C'est là que mourut dans la misère une des chanteuses les plus populaires de son époque : Fréhel.
Sa voix puissante et gouailleuse, tantôt émouvante, tantôt drôle, trouve aujourd'hui encore un public qui a pu la découvrir dans Pépé le Moko ou dans La Maman et la Putain de Jean Eustache.
Cette grande amoureuse fut malheureuse en amour. Son premier mari l'abandonna pour sa rivale Damia... Elle eut une courte relation avec Maurice Chevalier mais ne trouva jamais l'homme de sa vie, remplacé par l'alcool et la drogue...
Elle a chanté Montmartre comme peu d'artistes ont su le faire.
Des maisons d'six étages
Ascenseur et chauffage
Ont r'couvert les anciens talus
Le P'tit Louis réaliste
Est dev'nu garagiste
Et Bruant a maint'nant sa rue
... et toutes ces chansons qu'on fredonne encore sans se lasser : La Java Bleue... Où est-il donc... Où sont tous mes amants... Tel qu'il est il me plaît....
Le 46
Les adresses de Baudelaire à Paris sont nombreuses et variées mais on sait qu'il vécut quelques mois avec Jeanne Duval au 46.
Je suis ému de penser que l'un des plus grands poètes français a peut-être écrit quelques uns de ses poèmes des Fleurs du Mal (qui allaient être condamnées par le juge Pinard) dans cette maison, en 1855.
Nous continuerons notre visite de la rue la prochaine fois mais là où nous sommes, avec tout ce passé qui déjà a resurgi, avec tous ces endroits exceptionnels qui ont été détruits, comment ne pas laisser le dernier mot à Baudelaire ?
"La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains."