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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Chez Mimiche. Temple Debray. 48 rue du Chevalier de La Barre. Michel Lafond dit Mimiche.

Voilà une maison devant laquelle on passe, entre colifichets et tableaux montmartrois peints en Chine, sans savoir qu'elle a sa modeste part dans l'histoire de la Butte.

Chez Mimiche. Temple Debray. 48 rue du Chevalier de La Barre. Michel Lafond dit Mimiche.

Lorsque la rue s'appelait rue des rosiers, cette maison était située au 20. Elle était au XIXème siècle la propriété d'Auguste Pierre Debray. Un nom bien connu sur la Butte, celui d'une famille de meuniers qui a su en temps voulu passer des moulins aux affaires.

Abside de l'église et jardins (1900)

Abside de l'église et jardins (1900)

La maison commence à se faire remarquer quand les archéologues à la recherche des vestiges gallo romains de Montmartre situent le temple de Mars à proximité de l'église Saint-Pierre. 

Abside vers l'endroit où s'élevait le temple.

Abside vers l'endroit où s'élevait le temple.

L'un d'eux, Vacquer, émet l'hypothèse qu'il s'élevait à l'emplacement de la maison, dans le prolongement du cimetière du Calvaire. 

                           Une des colonnes gallo-romaines de réemploi dans l'église

Il appelle "Temple Debray" le fameux édifice qui aurait pu donner son nom à Montmartre bien que linguistes et spécialistes soutiennent la thèse selon laquelle c'est du temple de Mercure, situé plus à l'ouest que viendrait ce nom  (Mont Mercure.... Montmarcre.... Montmartre).

 L'explication la plus serinée "le mont des martyrs", est assurément la plus fantaisiste.

Chez Mimiche. Temple Debray. 48 rue du Chevalier de La Barre. Michel Lafond dit Mimiche.

Ce même Vacquer  que contredisent ses collègues reconnaîtra s'être trompé quand il découvrira les substructions du temple de Mars à l'est du chevet de l'église, sur un espace aujourd'hui occupé par la rue du Cardinal Guibert et le flanc ouest du Sacré-Cœur. Peu importe! Le nom de Temple Debray subsistera longtemps après la rectification.

Le restaurant dans la 3ème maison en partant de la gauche.

Le restaurant dans la 3ème maison en partant de la gauche.

La maison n'a pas fini son voyage historique. Elle se transforme en restaurant au début du XXème siècle. Restaurant dont le nom n'est pas forcément engageant : "Chez ma concierge".

Chez Mimiche. Temple Debray. 48 rue du Chevalier de La Barre. Michel Lafond dit Mimiche.

Et puis un beau jour, une belle personne haute en couleurs et au cœur plus grand que lui, le clown Mimiche remplace la concierge pour donner son nom au nouveau restaurant : "Chez Mimiche".

 

Mimiche a abandonné sa tenue de clown blanc mais il continue de pratiquer son instrument favori, le violoncelle. Il aime jouer avec Marcel Aymé avec qui il a noué des liens d'amitié, dans la fanfare créée par le peintre Gen Paul : "la Chignolle à Gégène".

                                                       La Chignolle à Gégène

L'enseigne aujourd'hui disparue le représentait penché sur son instrument.

 

     Il faut dire quelques mots maintenant de cet homme exceptionnel dont le vrai nom est Michel Lafond, né à Boulogne sur mer en 1899.  Il entre au Conservatoire pour apprendre le violoncelle. En même temps il est attiré par le cirque installé près de la boulangerie de ses parents. Il est doué et descend à Paris pour parfaire sa formation. La guerre le rattrape, il est mobilisé. Il échappe à la tuerie et quand il revient, il trouve un poste de violoncelliste au Café de Paris à Monaco. Ainsi jouera-t-il dans la cathédrale Saint-Charles pour le baptême du Prince Rainier.

 

Il n'a pas oublié son désir d'une autre vie, tournée vers les autres, afin de les faire rire et parfois pleurer. Quand il découvre les Fratellini, il décide de remettre sa tenue de clown blanc et de chanter, de raconter des histoires tout en ponctuant son numéro avec les mélodies joyeuses ou plaintives de son violoncelle. Il rencontre le succès sous le nom de Melody's et joue dans des salles prestigieuses comme l'Olympia ou le Lido. 

                                                       Les Fratellini

Il se produit souvent bénévolement afin d'aider des orphelinats, notamment à Bruxelles, ville dont il recevra une décoration reconnaissante. Quand il rencontre les clowns Antonet et Baby, il se laisse entraîner par eux et, changeant de nom pour devenir Mimiche, petit nom affectueux qu'employaient ses parents, il se produit dans de grands cirques en France et à l'étranger.

 

Quand il revient à Paris, le poste convoité de chef d'orchestre des Folies bergère lui est proposé. Il l'accepte comme il acceptera celui du Caveau du Moulin Rouge. C'est l'époque où il se lie d'amitié avec quelques personnalités comme Edith Piaf ou Mermoz.

 

La 2ème guerre, on n'ose écrire la seconde, le rattrape une fois encore. Quand il est libéré, il passe d'un orchestre à l'autre, de Léo Vali à Ray Ventura et sa générosité naturelle, sa curiosité des autres font qu'il est apprécié de nombreux artistes comme Dufy, Lorjou, Jean-Pierre Cassel ou Marlène Dietrich.

                                                    Ray Ventura

 Il décide de jeter l'ancre sur la Butte qu'il connaît bien puisque qu'elle est habitée par des gens qui sont devenus ses amis et avec lesquels il aime passer de longues soirées. Il y devient brocanteur-antiquaire puis, l'occasion faisant le larron, il tombe sur le 48 rue du Chevalier où ses économies lui permettent de créer son restaurant, ouvert aux amis, aux artistes, aux chanteurs des rues qui sont nourris dans cette bonne auberge!

 

André Roussard dans son dictionnaire des lieux de Montmartre évoque le restaurant dans ses heures joyeuses : "Une faune bien particulière de personnages farfelus, amateurs de canulars, attirait un grand nombre de jeunes femmes assez libres de moeurs. On y montait des canulars qui feraient dans les jours suivants l'actualité de la Butte. Par exemple, un jour on avait décidé d'installer nuitamment un panneau de rue avertissant le piéton du passage de gros gibiers. Ce panneau resta plusieurs mois...

 

Mimiche n'oublie pas sa ville natale où il se rend souvent pour parrainer l'orphelinat de la Marine dont il devient bienfaiteur. Sans avoir connu Poulbot, c'est à lui cependant qu'il ressemble le plus. 

                                                      Poulbot et les gosses

Quand Jeanne, sa femme qui gérait le restaurant, meurt, il se retrouve seul et désemparé. Il passe des nuits entières à jouer sur son violoncelle. (Les sanglots longs des violons...)

Son instrument est un Cecilium qui résonne un peu comme un harmonium et qui fut souvent utilisé dans les églises quand leur orgue avait été détruit pendant la guerre.

Il meurt peu de temps après Jeanne.

Il a pris soin de donner son argent à des œuvres caritatives et de léguer son violoncelle aimé au Conservatoire de Boulogne où, silencieux, protégé par une vitrine, il attend le Jugement Dernier pour retrouver Mimiche.

 

La suite n'a pas grand intérêt. L'enseigne de Mimiche disparut.

Le restaurant connut plusieurs avatars, service rapide, trattoria, avant de devenir récemment un commerce qui attire les passants narcissiques qui désirent se faire photographier l'iris! Opération qui ne se fait pas à l'oeil!

 

Chez Mimiche. Temple Debray. 48 rue du Chevalier de La Barre. Michel Lafond dit Mimiche.

C'est donc une parcelle de notre histoire montmartrois que raconte ce numéro 48 de la rue du Chevalier de la Barre. Une étincelle du joyeux kaléidoscope que fut notre Butte. Un temple romain, un clown, un violoncelle, du vin, des canulars, des rencontres amoureuses.... parfums d'une époque révolue mais que continuent de humer en passant les amoureux de Montmartre!

Mais je laisse la dernière parole à Mimiche qui a confié sa devise à son ami journaliste Roger Lemaire :

"Tu vois, ne penser qu'aux autres, c'est comme ça qu'on meurt heureux." 

 

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Monuments. Cabarets. Lieux
La sculpture mystérieuse du Sacré-Cœur. Le sculpteur inconnu.

Nous avons étudié dans leur richesse et leur diversité les sculptures de la Basilique mais sommes restés interrogatifs et intrigués devant l'une d'elles.

La sculpture mystérieuse du Sacré-Cœur. Le sculpteur inconnu.

Elle n'est pas très visible et il faut se coller le dos au mur du jardin de l'église Saint-Pierre, rue du Cardinal Guibert pour l'apercevoir là où peu de touristes ne la détectent.

La sculpture mystérieuse du Sacré-Cœur. Le sculpteur inconnu.

Elle est peu spectaculaire et ne porte pas ombrage aux nombreuses gargouilles, monstres ou animaux plus familiers qui hérissent le monument.

Comme l'on sait, au Moyen-Âge les monstres et les gargouilles à l'extérieur de l'église étaient censés la protéger du mal, des mauvais esprits diaboliques qui tenteraient d'y entrer.

D'ailleurs la sculpture qui occupe l'angle gauche de l'arc où se tient notre sculpteur représente bien une chimère, un improbable rapace à tête de chouette, saisissant dans ses serres un malheureux poulet.

En bonne logique elle aurait dû avoir sa pareille dans l'angle qui lui fait face. 

Or tel n'est pas le cas! la seule sculpture qui ne représente pas une chimère ou un animal  (mis à part la façade, le Saint-Michel du chevet et les figures du tambour du dôme) c'est cet homme allongé en train de pratiquer son art.

La sculpture mystérieuse du Sacré-Cœur. Le sculpteur inconnu.

 Il tient à la main ses outils. Son visage est réaliste et fait penser aux photos du début du XXème siècle quand tout homme qui se respectait se devait de porter moustache.

 

Les principaux sculpteurs de la Basilique sont connus et leurs œuvres répertoriées. Il faudrait l'aide d'un spécialiste de cette sculpture de la fin du XIXème et début du XXème pour attribuer à notre statue mystérieuse son créateur. 

Barrias, Michel, FagelBarrias, Michel, FagelBarrias, Michel, Fagel

Barrias, Michel, Fagel

Quand des photos existent des plus connus de ceux qui ont été choisis pour donner vie à la fameuse pierre de Chateau-Landon, il faut reconnaître qu'ils ont tous un air de ressemblance et portent moustache!  De plus leur renommée leur aurait rendu difficile un travail quasi clandestin. 

La sculpture mystérieuse du Sacré-Cœur. Le sculpteur inconnu.

Les sculpteurs les plus connus sont Barrias et Gustave Michel, choisis par Charles Garnier et très appréciés en leur temps. Il faut leur ajouter Léon Fagel, Hubert-Louis Noël et Hyppolite-Louis Lefebvre à qui l'on doit les statues équestres de la façade. 

La sculpture mystérieuse du Sacré-Cœur. Le sculpteur inconnu.

On sait que des dizaines de sculpteurs moins connus travaillèrent au chantier et réalisèrent quelques-unes des gargouilles qui hérissent la basilique. C'est sans doute l'un d'eux qui s'est représenté modestement, à peine détectable, sur le flanc ouest du Sacré-Cœur.

 

Pourquoi? Pour immortaliser son travail? Pour dire qu'il était là, participant à l'oeuvre colossale? Il aurait alors inscrit son nom sur la pierre.

Il a bien pris la peine de graver des lettres sur le socle, non pas celles de son nom mais cette phrase : "Qu'il lui soit beaucoup pardonné".

Libre à nous d'imaginer alors ce qui poussa cet homme à se représenter pour demander d'être absous de ses fautes par un pardon accordé sans compter ("beaucoup")

Marie Madeleine au pied du Christ (Hippolyte Lefebvre. Portail)

Marie Madeleine au pied du Christ (Hippolyte Lefebvre. Portail)

Se sentant coupable de fautes qu'il a peine à porter, peut-être a-t-il pensé à  Marie-Madeleine, dont l'image est présente dans la statuaire de la basilique. "Ses nombreux péchés ont été pardonnés car elle a beaucoup aimé".

                                     Marie Madeleine (Louis Noël. Façade)

Le parfum qu'il a à offrir, c'est ce qu'il a de plus précieux, son art de sculpteur, ce sont les heures passées à donner vie à cette pierre de Chateau-Landon si difficile à travailler.

La sculpture mystérieuse du Sacré-Cœur. Le sculpteur inconnu.

    On sait que cette pierre possède une qualité bien à elle, une qualité exceptionnelle, elle s'auto-nettoie avec la pluie. C'est la raison pour laquelle le Sacré-Cœur n'a pas besoin de ravalement. 

 

La sculpture mystérieuse du Sacré-Cœur. Le sculpteur inconnu.

    Enfin! Disons que les parties de cette église exposées à la pluie restent blanches et immaculées tandis que celles qui sont au nord ou à l'abri des averses noircissent. Notre sculpteur mystérieux a choisi un humble emplacement, en partie exposé, en partie protégé. En partie blanc, en partie noir!

Mais l'espoir est permis, avec le dérèglement climatique, qu'un bon déluge parachève le travail et le rende un jour blanc comme un agneau! Sa prière aura alors été entendue!

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Publié le par chriswac
Publié dans : #POEMES...Divers
Poème. La mort est un toréador.


  


La mort est un toréador
brodé d'argent et tissé d'or
Dans son costume de folklore 
Et son coquet petit gilet
Trop ajusté

Le travesti joue du chiffon
Le corps cambré en flamenco
moulé de soie et de nylon 
Sur son derrière de mignon
Et ses roustons

Il sait bien que le fier taureau
Avec sa corne et ses sabots
Son odeur de marais sauvage
Est plus vulnérable qu'un veau
Au doux pelage

Il a pour s'amuser de lui
Comme un sadique et un bourreau
Les picadors  les banderilles
Les cris frénétiques des filles
Et des poivrots



Mais attention joyeux public
dont les hurlements hystériques
Saluent les nouvelles blessures
Les coups d'épée les coups de pique
Et la torture

Vous penserez à ce taureau                                                          Le jour votre tour viendra                                                            De vous retrouver face à face                                                        Avec la mort bien dégueulasse                                                        Ses scalpels et sa muleta                                                             Olé Ola










lien Poème. Automne sale saison.  



...


















 

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Publié le par chriswac
Publié dans : #WACRENIER


         (...)  Côte à côte serrés, sans plainte, sans murmure,
           Nos soldats grelottants écoutent l'âpre cri
           D'un rapace de nuit, là-haut dans la ramure.
           L'eau monte, envahit tout. Et l'implacable ciel
           Semble pleurer sans fin de la glace et du fiel.


                                                                     Bois des Caures, devant Flabas, le 13 novembre 1914

                 L'homme qui écrit ces vers dans les tranchées parmi les plus abominables de la Grande Guerre survit sans doute grâce à la poésie qui lui permet de s'élever au-dessus de la boue et de la peur. Il est alors au Bois des Caures, un endroit qui fut jadis idyllique et qui au début de l'offensive allemande est transformé en enfer de sang et de terre mêlés. En février, la violence de l'assaut sera telle que 90% des chasseurs français seront décimés après avoir vu tomber plus de 80 000 obus... 

                        Je suis celui qui vient du monstrueux carnage,
                     L'anonyme blessé que la mort a frôlé,
                     Celui dont les yeux clairs ont vu l'ardent mirage
                     Flamber dans la mitraille et le souffle et l'orage...

                  



     (Illustration d'Arthur Mayeur pour le recueil de Paul Wacrenier : Par les Sentiers de la Guerre.) 


      Il a raconté comment, grièvement blessé, il s'est retrouvé cloué au sol, empêtré dans un réseau de barbelés. On ne pouvait le secourir tant était nourri le feu ennemi qui abattait comme au casse-pipe tout ce qui se dressait au-dessus du sol. Il eut recours à la prière et il vit soudain tomber la nuit. Il crut que la mort déjà l'enveloppait et il ferma les yeux. Ce n'est que quelques jours après qu'on lui raconta comment le ciel soudain s'était obscurci et comment une pluie serrée s'était mise à tomber sur les tranchées, enlevant toute visibilité aux tireurs allemands qui ne virent pas s'approcher les brancardiers.


      

 




                 Les poèmes de Verdun et des champs de bataille de Flandres et de Belgique évoquent la beauté des campagnes et des villes et par opposition le gâchis sanglant des destructions :

                                   Il était des sentiers d'ombre et de rêverie,
                                   Des sentiers parfumés, troublants, mystérieux,
                                   Et d'autres, lumineux, faits pour la griserie,
                                                Bordés d'herbe tendre et fleurie
                                                Où l'on marchait silencieux...

                                   (...)  Qu'êtes-vous devenus, là-haut, dans la fournaise?
                                           Quels informes débris gisent sous vos rameaux,
                                           Quel cauchemar rougit votre terre française,
                                                            sentiers où l'on cueillait la fraise
                                                            A l'ombre auguste des hameaux? 


              Parfois cet homme bon écrit des mots de haine qu'on ne peut comprendre si l'on n'a vécu comme lui et ses compagnons la boucherie de Verdun. Par ailleurs la haine du "boche" était bien ancrée au coeur des gens du nord qui avaient vécu massacres et destructions sans répit. La maison des Wacrenier avait été détruite pendant la guerre de 1870; la nouvelle demeure fut  anéantie en 1914  et le dernier refuge brûla sous les bombardements qui martyrisèrent Arras en 1940. Certains vers violents ne sont pas sans rappeler La Marseillaise si contestée aujourd'hui....
 

                                           Colère et pitié

                         Ces massacreurs d'enfants sont des hommes; des pères,
                         Ils ont une femelle et des jeunes là-bas.
                         Mais si le ciel est juste ils ne reverront pas
                         La vermine qu'ils ont laissée en leurs repaires
.

    Ou cet autre extrait d'un long poème écrit à la gloire des combattants sacrifiés et qui apostrophe l'Allemagne :


                   (...) Et toi, savante Germanie,
                         Dont les scandaleux attentats
                         Auréolent la félonie,
                         Toi qui déchires par manie
                         Les traités et les concordats,
                         Toi que le monde excommunie,
                         Toi dont la lourde tyrannie
                         A préparé notre agonie,
                         Que ta puissante ignominie
                         enfin se heurte à nos soldats.(...)


   Parfois la poésie est visionnaire et semble décrire celui qui moins de trente ans plus tard imposera au monde sa folie sanguinaire. Hitler a alors 25 ans, tout comme celui qui écrit ces vers :
                                    
                       Pourquoi?
                       Pour qu'un gredin maboul et sanguinaire
                       Puisse offrir à sa bande  un monstrueux butin.
                       Pourquoi?
                       Pour qu'un sinistre et vaniteux crétin
                       Puisse tenir en laisse un peuple mercenaire.
                       Pourquoi?
                       Pour qu'un rapace emporte dans son aire
                       En insultant le Ciel, la Vie et le Destin,
                       Les informes débris d'un rêve millénaire....


  Le blessé est emmené loin du front dans une école d'Alès transformée en hôpital militaire. Il subira plusieurs opérations et sa convalescence sera longue. Avant de subir sa première intervention, il voit s'approcher une belle infirmière portant sur un plateau un verre de rhum. Il n'y avait à ce moment là rien d'autre à proposer à ceux qui allaient être opérés. L'infirmière était pâle et le verre tremblait sur le plateau de métal. Le blessé s'adressa à elle et la pria d'avaler un alcool dont visiblement elle avait un besoin plus urgent que lui-même. Je ne sais si l'infirmière s'exécuta mais ce qui est sûr, c'est que quelques mois plus tard elle épousera ce poète un tantinet fanfaron. Il lui dédie un poème, prélude à bien d'autres : Fiançailles :



                            Un jour, je fus guéri ; je vous parlai tout bas,
                            J'entendis votre voix qui me disait : Peut-être...
                            Et tout à coup je vis où me portaient mes pas.

                            J'admirai la Bonté tendre du Divin Maître
                            Et je m'agenouillai, plein de trouble et d'émoi.
                            Un radieux bonheur envahit tout mon être :

                            Votre main se tendit, tremblante... Et ce fut Toi ! 



   Le mariage eut donc lieu à Alès et deux garçons naquirent dans cette même ville : Charles et Louis. Tout à fait guéri et ayant terminé ses études de droit (ce qui lui valut l'animosité temporaire de son père, chemisier dans le Nord et qui tenait à ce que son fils reprît l'entreprise familiale. Mais Paul avait été très jeune choqué par les injustices et par la condition difficile des paysans et des mineurs et avait décidé de consacrer sa vie à essayer de les aider). De retour dans sa région, il aura deux autres enfants : Jean et Aline.





      Il eut le temps avant de mourir en 1940 de se consacrer à ceux qu'il voulait assister de ses conseils. Il fut surnommé à Arras, l'avocat des pauvres et il fut plus souvent payé avec des pommes de terre et des poules qu'avec des espèces sonnantes et trébuchantes ! Il ne cessa d'écrire des vers qu'il dédia souvent à ses compagnons de combat. Comme tous ceux qui avaient vécu le temps des tranchées, toute sa vie en fut comme obsédée. Il présida cependant les Rosati,cercle de poètes artésiens où un certain Robespierre lui même natif d'Arras taquina la muse avant de se lancer dans la tourmente révolutionnaire. 

    Je vous propose, avant de quitter Paul Wacrenier, un poème différent où apparaissent sa sensibilité et son inquiétude :


                                           Sonnet


                                                             A mon père, à ma mère, à ma soeur.


                        Viens mon âme, c'est là que tu rêvais naguère...
                        Ne reconnais-tu pas la mousse et le gazon
                        Du chemin préféré que hantait ta chimère
                        A l'heure où les oiseaux chantent leur oraison ?

                        Le crépuscule monte avec un long frisson....
                        Voici le vieux lilas où m'attendait mon père,
                        Et l'on vient d'allumer l'antique reverbère
                        Dont la clarté blanchit le mur de la maison....

                        La fenêtre vers nous glisse un rais de lumière.
                        Rien n'est changé; le pont léger, sur la rivière,
                        S'offre à nos pas tremblants pour guider notre émoi...

                        Entrons par le jardin... On nous attend peut-être...
                        Et nous allons pleurer, et nous allons renaître...
                        Oh! Grâce! Assez d'horreur... ô mon âme... tais-toi!







 

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités

     L'exposition du musée de Montmartre "Fernande Olivier et Picasso" (jusqu'au 19 février) présente les illustrations faites par Van Dongen pour illustrer le livre de son ami de bohème Roland Dorgelès "Au beau temps de la Butte".

Dorgelès parle du peintre dans son ouvrage : "Un grand fauve qui n'est pas gâté par le sort. Deux bouches à nourrir: sa femme et sa fille, or ses scènes de bal et ses fêtes foraines aux couleurs flamboyantes effraient les amateurs et rebutent  les marchands."

Page de titre"Comment! Vous me connaissez?"

Page de titre"Comment! Vous me connaissez?"

Dans son Prélude, l'écrivain, de retour sur la Butte après la 2ème guerre, rencontre une jolie femme qui lui rappelle celle qu'il a connue au Lapin Agile une trentaine d'années plus tôt. Il est "interdit" quand il l'entend le saluer par son nom.

"-Comment! vous me connaissez?

-Oh non! Mais maman vous connaît très bien.

Une dame parut. Elle avait les cheveux gris... C'était elle ma jeunesse, et non la blonde aux cheveux dorés." 

Lapin Agile. Frédé.

Lapin Agile. Frédé.

Van Dongen. Lithographies pour le livre "Au beau temps de la Butte" de Dorgelès

 La tonalité du livre est résumée par ce prélude. Dorgelès part à la recherche d'un Montmartre qu'il a aimé lorsqu'il était jeune. Un Montmartre qu'il ne retrouvera pas, pas plus que sa jeunesse !

Le Lapin Agile a changé lui aussi et survit grâce à sa réputation. En 1949 quand Dorgelès publie son livre, Frédé vit dans la garenne céleste où l'âne Lolo continue de peindre des couchers de soleil. Dorgelès se rappelle Frédé "courbé sur sa guitare, murmurant les Stances de Ronsard ou lançant à pleine gorge "la vigne au vin" que les braillards reprennent au refrain".

La laiterie place du Tertre

La laiterie place du Tertre

Van Dongen. Lithographies pour le livre "Au beau temps de la Butte" de Dorgelès

Van Dongen restitue l'image d'un Montmartre-village avec sa laiterie sur la place du Tertre.

Plus de lait, plus de vaches, plus de village aujourd'hui.... Pas même une boulangerie! La dernière, place Jean-Baptiste Clément, a été remplacée il y a une quinzaine d'années par un bazar de souvenirs made in China.

Van Dongen, Fernande, Picasso, Apollinaire et Max jacob aux Enfants de la Butte.

Van Dongen, Fernande, Picasso, Apollinaire et Max jacob aux Enfants de la Butte.

Voilà une des lithos les plus intéressantes de Van Dongen qui en réalité pense à son Montmartre plus qu'à celui dont parle Dorgelès avec ses trop personnelles histoires. Il se représente de dos, devant le couple mythique que formaient Picasso et Fernande Olivier. Sur le trottoir passent deux autres personnages éminents de cette époque : Apollinaire et Max Jacob... La plus belle figure est celle de Fernande Olivier que Van Dongen respectait plus que ne le faisait Picasso. Dorgelès l'évoque : "sa radieuse compagne aux longs yeux d'odalisque".

La vache enragée terreur de Montmartre

La vache enragée terreur de Montmartre

Pas de Montmartre sans vache enragée! Le fameux défilé carnavalesque organisé par les artistes défraya la chronique.

                                                  La vache enragée (Lautrec)

La vache n'eut pas de veaux et le défilé n'eut que deux éditions mais il marqua les esprits et la fameuse vache devint à l'instar du chat noir, une des icônes de la Butte.

Picasso dans son atelier

Picasso dans son atelier

Hommage à celui qui régnait, capitaine du Bateau-Lavoir, sur la bande qui l'entourait et l'admirait...

 

Max Jacob

Max Jacob

Max Jacob invité par Manolo

Max Jacob invité par Manolo

Deux lithos représentent Max Jacob, le plus aimé, le plus doux des poètes et des amis. Van Dongen l'a bien connu et Dorgelès parle de lui longuement dans son livre.

"Serein, lumineux, nimbé d'or, le voilà le Patron des bohèmes! Max Jacob, Max de la Butte, Max le visionnaire, Max du Sacré-Cœur (...) un tendre sourire aux lèvres et des étoiles au fond des yeux."

Dorgelès va jusqu'à imaginer qu'un jour l'église fera de lui "le bienheureux Max de Drancy!"

Il se trompait! L'amour trop sensuel de Max Jacob pour le Christ avait de quoi rebuter les croyants vertueux (!). Il écrit en effet, s'adressant au Christ décloué de sa croix : "J'aime sentir ton corps dans mes bras. ton ventre dur lui aussi. Dieu jeune homme plus que charmant, plus que séduisant, plus que génial (...) Corps de mon cœur, cœur de mon corps, reviens que je t'aime encore."

Van Dongen et Dorgelès au marché rue des Abbesses

Van Dongen et Dorgelès au marché rue des Abbesses

(...)"Van Dongen m'a représenté près de lui au marché ambulant de la rue des Abbesses."

Ici le peintre illustre un moment d'amitié avec Dorgelès, au temps de leur jeunesse et de leurs balades dans le quartier. Grande liberté du peintre dans le choix de ses lithos et je me demande parfois s'il a vraiment lu le bouquin de son ami ou s'il a préféré simplement évoquer le Montmartre de ses propres souvenirs.

Vlaminck et Derain à Chatou

Vlaminck et Derain à Chatou

Allusion à des peintres dont Dorgelès parle à peine mais qui étaient proches de Van Dongen et du fauvisme.

Chanteurs de rues. Le rêve à bon marché.

Chanteurs de rues. Le rêve à bon marché.

Les chanteurs des rues comme Montmartre les accueillait et comme il les accueille toujours.

 

Utrillo... Litrillo... Deux êtres luttaient en lui

Utrillo... Litrillo... Deux êtres luttaient en lui

     Utrillo est appelé ironiquement "Litrillo" par Dorgelès qui parle de lui comme d'un possédé de l'alcool. Il évoque le temps où pour le prix d'un repas il aurait pu acheter ses toiles, mais il avait préféré inviter une belle à dîner et sans doute prolonger un peu plus la soirée.

Modigliani peintre maudit de Montparnasse

Modigliani peintre maudit de Montparnasse

Dorgelès écrit de nombreuses pages sur le quartier latin et sur celui de Montparnasse. Il a vu comment peu à peu Montmartre s'embourgeoisait et cessait d'attirer les peintres.

                                                  Modigliani et Picasso

Modigliani qui habite rue Caulaincourt où il est ami de la bande à Picasso, notamment de Van Dongen et d'Utrillo, doit quitter Montmartre quand les promoteurs détruisent les vieux quartiers populaires du maquis.

Le moulin de la Galette avant 1914

Le moulin de la Galette avant 1914

Evidemment le fameux Moulin de la Galette est évoqué. Celui, le vrai, qui était alors remonté à l'angle des rues Lepic et Girardon et celui, rue Lepic, devenu jumeau par le nom alors qu'il s'appelle en réalité le Blute fin 

André Salmon et Mac Orlan rue St-Vincent

André Salmon et Mac Orlan rue St-Vincent

       Salmon et Mac Orlan faisaient partie de la même bande d'amis qui fréquentaient le Lapin agile. Salmon habite un temps au Bateau Lavoir et publie son premier recueil avant Max Jacob et Apollinaire. Si l'on veut connaître le Montmartre de la bohème, le livre de Salmon "La négresse du Sacré-Cœur" nous apportera plus d'informations que celui de Dorgelès écrit après la guerre. 

Le Bateau-Lavoir

Le Bateau-Lavoir

Le mythique Bateau Lavoir fait partie des illustrations. Seule sa façade est représentée et non les couloirs et les coursives misérables où furent peintes quelques-unes des toiles les plus célèbres du monde!

 

Poulbot l'ami des gosses

Poulbot l'ami des gosses

Poulbot ne pouvait manquer à l'appel., "le grand Francisque Poulbot, patron des gosses".

 

Les couples du haut de la Butte, comme dans Louise

Les couples du haut de la Butte, comme dans Louise

 "Comme dans Louise", allusion à l'opéra de Gustave Charpentier qui connut un immense succès populaire.

Le compositeur qui habitait sur le boulevard de Rochechouart s'inspirait du petit peuple de son quartier : Louise une jeune couturière et Julien un peintre bohème qui se donnaient rendez-vous sur les hauteurs de la Butte.

Un coin fameux de la Butte, l'impasse Girardon.

Un coin fameux de la Butte, l'impasse Girardon.

La dernière litho de Van Dongen n'est pas la plus originale.

Elle représente l'impasse Girardon où Gen Paul avait son atelier.

     Les lithos de Van Dongen ne sont sans doute pas le meilleur de son œuvre. elles témoignent avant tout de son amitié pour Roland Dorgelès, une amitié nouée pendant les années de bohème et toujours vivace après la 2ème guerre, alors que l'écrivain est devenu célèbre depuis ses "Croix de bois" et le peintre avec ses toiles vendues dans les plus prestigieuses galeries.

La vache enragée fait désormais partie de leur passé et appartient au folklore du Montmartre de leur jeunesse, du beau temps de la Butte.

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Publié le par chriswac
Publié dans : #album
Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

 1er octobre .Retour à Montmartre après trois mois de soleil et d'écume dans l'île qui me donne des images d'éternité. Après un coup de blues bien naturel, je vais retrouver mon quartier, ma ville, toujours fidèle malgré mes escapades.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

2 octobre. Les fleurs de l'automne dans le square.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

3 octobre. Le chat de la rue Poulbot.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

4 octobre. Attention au bombardement!

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

5 octobre. Baiser volé. (rue du Chevalier de la Barre).

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour
Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

6 octobre. L'escalier de la rue Becquerelle (la rue de Nadja) mis en couleurs par les élèves de la rue Hermel pour la fête des Vendanges de Montmartre.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

7 octobre. L'escalier Foyatier peint par Ojan pour la fête des vendanges.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

8 octobre. Défilé des vendanges. Le petit poulbot est fatigué.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

9 octobre. La foule pour la fête des vendanges.

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10 octobre. Cimetière de Montmartre. Rendez-vous des jeunes et de Zola. (plus intime qu'au Panthéon)

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

11 octobre. Le balayeur en plomb. 

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12 octobre. Le roi doré se maquille.

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13 octobre. Soir sur la rue Muller.

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14 octobre. Jour de pluie. La Terre est bleue comme un chat. (Ici le chat Loulou)

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15 octobre. Belle et tragique. Un mannequin qui ressemble à la Reine de la Nuit. (square louise Michel)

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

16 octobre. Jeunes ukrainiennes. Sourire malgré tout.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

17 octobre. Le jardin vertical rue André Del Sarte.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour
Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

19 octobre. L'adagio d'Albinoni. Rue du chevalier de La Barre.

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20 octobre. Un banc bien garni, place Emile Goudeau.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

21 octobre. La nuit montmartroise. 

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

22 octobre. La nouvelle mode 

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

23 octobre. Tendresse et soleil

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

24 octobre. Quoi mes seins? Qu'est-ce qu'ils ont mes seins?

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour
Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

25 octobre. Le plus vieil arbre de Montmartre (1840). Louise Michel s'est assise à son  ombre!

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

26 octobre. Ce qui fut la maison de Dalida.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

27 octobre. Escalier Foyatier. Les marches sont pour les adultes!

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

28 octobre. La rue Muller narcissique.

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

29 octobre. Lire c'est le pied!

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

30 octobre. La guitare bleue de Dick Rivers au cimetière de Montmartre

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

31 octobre. "Je ne chante pas pour passe le temps"

Place des Abbesses

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

Dernier jour d'un mois qui fut estival. Montmartre a vécu en vacances avec des touristes du monde entier et des parisiens venus trouver un peu de fraîcheur sur la Butte. Mais comment se réjouir d'un tel dérèglement climatique? Un jour peut-être les eaux vont monter et Montmartre deviendra une île avec palmiers et perroquets! 

Octobre 2022 Montmartre.  Album photos jour après jour

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Cimetière.
Cimetière du Calvaire. Saint-Pierre de Montmartre.
Cimetière du Calvaire. Saint-Pierre de Montmartre.

A l'occasion du 1er novembre de cette année je republie cet article qui date de quelques années et qui parle de ce cimetière secret, accessible un seul jour par an, le cimetière du Calvaire, le vieux cimetière paroissial de Montmartre. Il faisait un temps de Toussaint quand j'ai publié cet article alors qu'aujourd'hui un grand soleil éclaire la Butte. 

 

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    La porte de la Résurrection de Gismondi, ne s'ouvre qu'une fois par an, le 1er novembre.
    Elle donne accès au petit cimetière, dit du Calvaire, un des plus secrets de Paris.


 

     Par un matin brumeux, un matin de fantômes et de souvenirs, j'ai donc gravi les trois cents marches qui me séparent de l'enclos funéraire.


 

    Je suis entré, presque seul, dans le cimetière.
    Ce qui surprend tout d'abord, c'est l'abandon...
    Des pierres tombales cassées, des morceaux de colonnes, de la mousse sur les inscriptions.      
    Tout semble en place pour un film d'épouvante, avec vampires et revenants. 




     Le cimetière date de 1688 et a été créé à l'emplacement d'une nécropole mérovingienne plus étendue.

     Au XVIIème siècle, Marie-Anne d'Harcourt, abbesse bénédictine de Montmartre cède une partie du verger de l'abbaye à la paroisse. L'enclos de 600m2 recevra des sépultures jusqu'à la Révolution.
     D'Artagnan n'en a jamais été l'hôte malgré la rumeur persistante, par contre Pigalle y fut réellement inhumé. Il ne reste rien de sa tombe, pillée à la Révolution, mais n'hésitez pas à entrer dans l'église pour contempler une de ses oeuvres : un Christ athlétique, prêt à s'envoler de l'étroite chapelle du baptistère où il a été exilé depuis peu par un curé qui ne le trouvait pas à son goût!

(Depuis que j'ai écrit ces lignes plusieurs curés se sont succédé et le Christ de Pigalle a été érigé dans le chœur, à droite de l'autel!)

 

     Le cimetière a été réouvert en 1801 et a reçu jusqu'en 1835 les sépultures de familles aristocratiques qui avaient choisi d'habiter, sous la Restauration, le quartier à la mode, la Nouvelle Athènes, qui s'étend au pied de la Butte, dans le IXème arrondissement actuel.



     Edouard de Fitz James (1776-1838) jouit d'une tombe bien entretenue.
    C'est un personnage sans grande envergure, ultra royaliste, pair de France (...etc).
    En 1815, lors des procès conduits par les monarchistes contre ceux qui s'étaient ralliés à l'empereur, il réclame la mort du maréchal Ney, comme il le fait contre son propre beau frère, le général Bertrand, fidèle parmi les fidèles à Napoléon. Les journaux de l'époque fustigent sa conduite :

"Fitz-James de Judas renouvelant le crime
Vient de vendre son frère et de trahir sa foi...."




     Une simple colonne est le vestige de la tombe de louis Antoine Bougainville (1729-1811). Elle se dresse devant la stèle de son épouse, Marie Joséphine Flore qui passait pour une des plus jolies femmes de son temps.


   L'homme est bien connu pour ses expéditions, notamment en Océanie, la découverte d'îles nouvelles, sa participation à la guerre d'indépendance des Etats-Unis.
  Le botaniste Philibert Commerson embarqué avec lui, baptisera une fleur, inconnue jusque là en Europe, la bougainvillée.
 Le corps de Bougainville repose au Panthéon, et seul son coeur est resté à Montmartre...



  
    Bien des représentants des Montesquiou (famille d'ancienne noblesse dont l'origine remonte aux mérovingiens) sont regroupés ici, à l'ombre du clocher de Saint-Pierre. Le célèbre homme de lettres, Robert de Montesquiou qui inspira Huysmans (Des Esseintes de "A rebours") et Proust (le baron Charlus) n'est pas admis ici parmi ces gens bien! Il est enterré à Versailles dans une tombe anonyme surmontée de la statue de l'ange du silence.


  Notons que la légende de d'Artagnan inhumé dans ce cimetière, vient de ce que la famille des Montesquiou s'est divisée en deux branches dont l'une a fait la souche des seigneurs d'Artagnan. 




     La tombe du général Mathieu Dumas est en assez bon état. Elle a été restaurée par une association attachée à sauvegarder les monuments napoléoniens.

 


    Ce général a une longue carrière. Il a traversé bien des régimes, tout en restant fidèle à Napoléon. 
    Il a été aide de camp de Lafayette. C'est lui qui fut chargé de ramener à Paris, Louis XVI arrêté à Varennes. 
   Malgré ses diverses occupations, il trouva le temps d'écrire en 18 tomes (!) un Précis des Evènements militaires de 1799 à 1812.




   La curiosité du cimetière est assurément ce moulin, perché sur la tombe des Debray.



    Ces meuniers font partie de la grande histoire, en partie légendaire, de Montmartre.


    En 1814, les Russes veulent prendre position sur la Butte. Ils doivent affronter les habitants valeureux et notamment les 4 frères Debray qui défendent leur moulin. Trois frères sont tués. Le dernier qui a été artilleur dans les troupes napoléoniennes, parvient à récupérer des canons et à décimer une partie de la colonne russe.  Il est fait prisonnier, découpé en morceaux qui sont attachés aux ailes de son moulin!
   Son fils aîné est transpercé par une lance et laissé agonisant au pied du moulin. Il survivra cependant et restera invalide. Une cruelle invalidité puisque cet amateur de bon vin ne pourra plus jamais boire que du lait!


  C'est lui qui transformera plus tard son moulin en guinguette.
  C'est ainsi que le Blute-fin changera de nom pour devenir le moulin de la Galette.

   Notons que plusieurs centaines de soldats anonymes, tués lors des combats de 1814, furent jetés dans une fosse commune, creusée hâtivement dans ce cimetière.



     Une modeste stèle porte le nom de Louis Philippe de Rigaud, marquis de Vaudreuil (1723-1802), officier de marine dont les parents sont nés au Québec. Il participe à la guerre d'indépendance des Etats-Unis et remporte plusieurs succès. C'est lui qui revient en France en 1783, avec la flotte victorieuse.


 



    Et voici une gloire locale bien de chez nous : Félix Desportes,

premier maire de Montmartre, surnommé bien avant Kouchner et autres Besson, le caméléon politique!
Il se rallia au Directoire, au Ier Consul, à l'Empire, aux Bourbons et de nouveau à Napoléon.... (ouf!)



   Sophie Swetchine, née Sophia Petrovna Soïmonov, est la fille du conseiller le plus proche de l'impératrice Catherine II. Elle vient vivre à Paris après s'être convertie au catholicisme (à la lecture paraît-il des oeuvres de Joseph de Maistre). Elle tient un salon où se rencontrent et discutent Victor Cousin, Dupanloup, Lacordaire, Tocqueville...


   Elle poursuit avec ces deux derniers une correspondance suivie qui a été éditée et a provoqué une réaction très négative du héros de Huysmans, des Esseintes (rencontré plus haut à propos de Montesquiou) :

"Ses oeuvres avaient dégagé pour lui un inaltérable et accablant ennui ; elles étaient plus que mauvaises, elles étaient quelconques..."

 


    Parmi les gloires oubliées ou contestées du cimetière, on peut citer Monseigneur Bernier (1762-1806) évêque d'Orléans. Il est considéré comme un des chefs vendéens qui n'eut de cesse de combattre la République. Aujourd'hui, il est l'hôte d'une République bonne fille, celle de Montmartre et des poulbots!



   Antoine Portal (1742-1832), médecin anatomiste et biologiste qui est nommé premier médecin du roi Louis-Philippe puis de Charles X. Il contribue à la création de l'Académie de médecine qui regroupe les meilleurs médecins et chirurgiens français. Comme Desportes, il passe aisément d'un régime politique à un autre et se montre assez courtisan pour obtenir de chacun d'eux, titres, médailles et récompenses! Exercice qui le maintient en forme jusqu'à 90 ans!



   Jean Sébastien Calanis n'a pas eu le loisir d'atteindre un tel âge. Ce capitaine au long cours disparut en mer pendant la guerre, en novembre 1940. À sa mémoire quelques vers de Valéry :

Que la nuit s'éclaircisse ou que le jour succombe
Le tourment de la mer berce la mort sans tombe
                Et chante amèrement
D'une voix éternelle errante entre deux mondes
Un sacrifice sombre accompli sous les ondes



Quelques souvenirs encore...






Le calvaire qui a donné son nom au cimetière... 

 




     Et puis... J'ai compris que,poussant la porte de la Résurrection et filant entre les doigts de bronze, une petite fille avait brisé sa tombe et était passée à travers le miroir de la mort :

Liens

Cimetière Montmartre. Classement alphabétique. Calvaire et Saint-Vincent.

  le cimetière saint Vincent fin d'annee

 

 




 



 




 







 




Lien :

 

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Publié le par chriswac
Publié dans : #POEMES...Divers
Poème. Toussaint.

 

                                                         

 

 

Toussaint

 

Je me blottis dans la douceur

Entre tes seins

Le temps d'oublier la douleur

De la Toussaint

 

Je ne veux pas plonger les yeux 

Dans ceux des morts

Ni écouter grincer l'essieu

D'un vieux remords

 

Je ne veux pas laisser leurs mains

De feuilles mortes

Venir dans le petit matin

Toucher ma porte

 

J'ai si mal quand je pense à eux

Parfois j'espère

Devenir un jour oublieux

Sans un repère

 

Je veux laisser les chrysanthèmes

Faner pour rien

Tu es mon amour et je t'aime

Comme un vaurien

 

Je me blottis dans la douceur

Entre tes seins

Le temps d'oublier la douleur

De la Toussaint

 

                                                        

 

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Liens poèmes :

 

Liste et liens des poèmes. Divers.

 

Toussaint. Jour des Morts.

 La Baie des Trépassés.

Un an après la mort.

Mon père. Après la mort.

Vendredi Saint. Mort de mon père.

 Mon père est mort.

Bois Dormant.

Petite soeur au cimetière.

Tes morts

 Mort d'Elisabeth.

 

Liens : poèmes d'amour de Christian Wacrenier.

 

 

 

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